samedi 28 août 2021

Interview : Rémi Dumery, exploitant agricole « La promesse d’une agriculture plus vertueuse »







Rémi Dumery est à la tête de l’EARL du cheval Blanc à Boulay les Barres, dans le Loiret. Il sera l’un des ambassadeurs de cette agriculture nouvelle au sein de l’AgreeenTech Valley. Rémi est un technophile convaincu, très connecté, passionné par les AgTech, avec un vrai retour d’expériences.
L’Epicentre : Vous êtes un cultivateur connecté, qu’est-ce que cela veut dire ?
Rémi Duméry : Je suis beauceron, et pratique la grande culture sur 160 ha : betterave, colza, sarrasin, maïs, soja, de de l’orge de brasserie et du blé dur pour les pâtes. Je suis attentif à toutes les ressources, à commencer par l’eau.
Pour expliquer en quoi nous progressons, j’interviens souvent sur les réseaux sociaux, dans les collèges et les écoles d’ingénieur. Je multiplie les conférences pour expliquer ma vision de l’agriculture de demain. On a beaucoup de mal à expliquer nos pratiques, on doit se justifier tout le temps à propos des pesticides, des semences, de l’irrigation. La communication est une arme, avant c’était le syndicalisme.
L’agriculture de demain sera sans doute plus intensive mais captera de plus en plus de carbone. C’est un paradoxe qu’on appelle l’agriculture intensive écologique. Cela est possible grâce au numérique qui permet d’utiliser des données et des paramètres que le bon sens paysan ne peut pas toujours appréhender.
Une façon d’aller plus loin ?
Surtout de mieux respecter les sols. Pour cela des organismes comme le CIRAD (centre de recherche agronomique), avancent sur l’agroécologie qu’avait promue Stéphane Le Foll, considérant le sol comme un milieu vivant.
On est au départ de l’agriculture de précision. Les technologies sont désormais abordables. Souvenons-nous qu’une une simple photo satellite coutait 70K€ pièce au début des années 2000 ! Aujourd’hui cette photo est gratuite sur internet. Encore faut-il exploiter et modéliser ces données. Dans les années 70 on apportait la chimie et les engrais, encore fallait-il savoir les utiliser à bon escient. On est dans la même évolution. On va mieux utiliser les semences, les engrais et les pesticides.
Le club d’agriculteurs référents, qu’est-ce que c’est ?
Dans les années 70 les chambres avaient développé des GVA, sortes de groupes de réflexion. Le club, lui, a vocation à peaufiner les outils et préparer leur acceptation. On est déjà quelques-uns à être dans le même état d’esprit. Ce qui manque souvent, c’est de savoir comment on va utiliser ces technologies, pensées par des techniciens ou des technophiles. Il faut être pratique, pour que tout le monde puisse s’approprier les stations météo et les capteurs nouvelle génération. Le passage d’une solution, offerte par une start’up, à l’agriculteur prend du temps. Il y a des choses que je teste depuis dix ans déjà. Notre but est d’accélérer, en lien avec le monde réel. Les instituts, des groupes privés ou les chambres d’agriculture me confient depuis 20 ans des produits. On cherche souvent des agriculteurs pour partager ce travail.
Les agriculteurs utilisent déjà bon nombre de ces nouveaux outils, mais sous la pression de la réglementation. Il y a un pas de temps, entre ce que moi je trouve essentiel, et le moment ou les autres vont trouver cela indispensable. Ce club d’expert est là pour diminuer cette marche.
météo pour mille fois plus cher qu’une solution aujourd’hui (50 à 80€/an).
Le digital est-il un point de passage obligé ?
Oui sans aucun doute, y compris pour le Bio qui l’utilise pour les bineuses guidées par GPS, qui bine avec une précision de cinq centimètres !
Bientôt des applis donneront des autorisations pour l’utilisation de tel ou tel herbicide, sans risque, en fonction de l’état de son terrain et de la saison. Les tableaux de bords numériques, les applications smartphones conseilleront l’agriculteur par des algorithmes. C’est une ouverture à de nouvelles solutions pour des agriculteurs qui n’en n’ont plus. Une façon aussi d’optimiser la contrainte qu’il s’impose. Et l’agriculture française est forte de ces contraintes. On nous demande l’impossible ; raison pour laquelle certains n’y arrivent plus.
Êtes-vous sûr que la terre n’en souffrira pas ?
Les gens sont persuadés qu’on veut faire plus, au détriment de la terre. C’est exactement l’inverse. Il s’agit de limiter le gaspillage et optimiser ce qui peut l’être. Il ne s’agit pas de booster la nature, mais de limiter ce que la nature nous retire.
Les tonnes de productions ont été perdues, récemment encore à cause de l’interdiction d’utiliser certains phytos. L’an passé, on a perdu et donc gaspillé 50 % de la récolte de betterave, ce qui veut dire 50% du fonctionnement d’une sucrerie, 50% de la production habituelle d’éthanol etc…