mardi 7 février 2023

Le sucre et/ou le miel !



Un coup de Trafalgar sur le sucre en France !


Les néonicotinoïdes sont apparu au milieu des années 1980, une petite révolution dans la lutte contre les insectes et les virus de nos cultures. Pour lutter contre les viroses (des virus apportés par piqure d’insecte), il n’est pas question de diffuser dans l’environnement des antiviraux, mais de détruire les insectes vecteurs. Mettre quelques grammes d’insecticide Néonicotinoïde (NNi) autour d’une graine enterrée dans le sol (100 000 graine/ha sur 1 cm²), permet de limiter la dose/ha (- 90%) par rapport à une pulvérisation aérienne (sur 10 000 m²d’un ha) et de ne plus utiliser d’insecticide (carbamate très rémanent dans le sol et diffusion dans l’eau) sur la ligne de semis. En protégeant des insectes du sol seulement autour de la graine et seulement des insectes piqueurs, une véritable révolution pour la protection des plantes et pour l’environnement a été apportée par cette technique.



Dans la même période, le problème d’effondrement des colonies d’abeilles est apparu en France qui connaissait une production de miel record. Des destructions de rucher accidentel par des insecticides sont constatés. Le pelliculage des semences traités avec les NNi produit des poussières diffusées notamment avec les souffleries des semoirs monograines utiliser pour les semis de maïs, tournesol et betterave. Les semoirs sont modifiés et le pelliculage de semences nettement amélioré. La recherche apicole découvre des parasites (varroa, frelon,..), virus et maladies exotiques qui progresse rapidement dans l’environnement et les ruchers.

Dans la même période, les ONG écologistes cherchent le soutient de l’opinion pour faire avancer leurs idées. La peur d’OGM, puis des pesticides est diffusés par des actions chocs, des études scientifiques et des décisions de justices proches de ses mouvements militants.

Après l’interdiction des OGM, la relation entre les NNI et les abeilles est devenu un nouveau cheval de bataille jusqu’à interdiction en 2018 de trois NNI pour l’agriculture, mais toujours très efficace pour protéger nos chats et chiens des tiques et puces, en collier, pipette sur la peau ou cachet à avaler.

Les alternatives aux NNi pour les agriculteurs sont un retour aux pulvérisations aériennes d’insecticides moins efficaces et répétées, ce qui est une gageure avec les objectifs de réduire de 50% les pesticides.








En 2020, sur la culture de betterave sucrière, la pression de pucerons est tel, que les traitements insecticides aériens ne sont pas suffisant, même avec des produits autorisés par dérogation. Devant la perte de rendement pour les agriculteurs, le manque de tonnage impacte les couts de fonctionnement des sucreries et distilleries, la perte des marchés de sucre auprès des clients mondiaux, le ministre de l’agriculture Denormandie arrache une dérogation pour la seule culture de betterave sucrière (plante biannuelle, récolté la première année, avant sa floraison en deuxième année) pour une période de 3 ans, avec un budget de 20 M€ pour la recherche d’alternatives au NNi.

Mais cela était sans compter sur la pression constante des ONG écologiste pour utiliser le droit européen pour mettre fin avant la 3e année de la dérogation à quelques jours de semis de betterave.

Retour aux seules alternatives possibles, les insecticides peu efficaces utilisés en 2020. 
Les autres pays européens avaient une dérogation jusqu’à 2020 pour les trois NNI interdit et depuis cette date une solution en pulvérisation plus efficace (acétamipride jusqu’en 2033), non autorisé en France pour son classement NNI.

Les règlements européens bloquent la solution génétique. Les gènes de résistance aux 4 virus de la jaunisse de la betterave sont connus et pourraient être transférés à des variétés betteraves rapidement, mais avec une technique « Qualifiée OGM ». Mais aussi en France, de nouveau insecticide interdit qualifié de « NNI caché » par un tribunal sous pression ONG écologiste.







La force médiatique du slogan « insecticides tueurs d’abeilles » ne va pas s’arrêter là, déjà cela dérives vers les « pesticides tueurs d’abeilles « . L’idée de la disparition des abeilles et des insectes est si intiment lié aux pesticides dans l’opinion publique, que ce schéma va continuer avec le glyphosate, fongicide SDHI et tous autres insecticides qualifiés à leur tour de « tueurs d’abeilles ».





La perte de la biomasse des insectes et le phénomène d’effondrements des colonies sont bien une réalité, le constat est indéniable. Après le retrait d’un nombre conséquent de molécules, force de constater que la situation des pertes de colonies d’abeilles rester très variable au fil des années, qui renforce l’aspect multifactoriel. Est-ce que l’interdiction des NNi depuis 2018 a été une solution majeure aux pertes de colonies. Y a-t-il une différence notable sur ces pertes entre les zones betteravières et le sud de la France sans betterave sur les deux années de dérogation des NNi. A ces deux questions la réponse est non, la présence du varroa, des virus et maladies, et de la ressource alimentaire des abeilles domestiques est bien plus problématique pour l’apiculture.



Le paradoxe entre l’apiculture et la production de betterave en France est tel, que ces deux mondes s’ensemble s’opposer, les insecticides contre les abeilles, le sucre contre le miel. Mais ils sont faces aux mêmes problématiques, lutter contre des virus en contrôlant leur vecteur. Contrôler les pucerons vecteurs de la jaunisse pour les betteraviers et contrôle le varroa vecteur de nombreux virus pour les apiculteurs, et cela passe nécessairement par des solutions insecticides. Même combat pour notre ressource sucré, sachant que ce lien est renforcé par l’apport de sucre de betterave dans les périodes de disette des colonies d’abeilles.






Sortir de cette propagande « tueur d’abeilles » par une recherche active sur les pathologies des abeilles permettrait certainement d’avoir une vision scientifique et de réelle solution pour ces deux secteurs économiques dans leur environnement partagé. Le programme Apiluz est un exemple de mise en commun de ressources et de solution, entre des apiculteurs et des producteurs de luzerne.

Le Réseau Biodiversité pour les Abeilles (RBA) travaille depuis 20 ans sur cette mise en relation entre l’apiculture et la ressource agricole.


La défaite de Trafalgar et la fermeture des routes du sucre posèrent la question de la souveraineté. Mettre en commun des moyens permet de dégager des solutions pragmatiques et tordre des idées préconçues dans l’opinion, dans un intérêt commun et souverain.


en complément:

 l'article de Christophe boizard , cultivateur

Fin des semences enrobées aux néonicotinoïdes pour la betterave : quelles conséquences, quelles alternatives ?


un fil twitter de Damien Ameuil